L’émancipation masculine
Maman, pourquoi les jouets des filles sont plus jolis que ceux pour les garçons ?
Depuis que je suis maman d’un petit garçon, j’ai compris que l’émancipation ne concernait pas que le domaine des filles. Un petit gars qui pousse une poussette ou qui porte une jupe passera moins bien qu’une petite puce habillée en pompier.
J’en suis aussi venue à un constat : la masculinité existe. L’homme idéal est grand, musclé, ses cheveux sont soyeux et il vous sourit de ses dents blanches. Il a de l’humour. Il déplace des trucs lourds. Et n’oublions pas qu’il sait être un « salaud romantique » pour nous séduire.
S’il y a une pression sur les femmes, notamment sur leur physique, leur routine, et leur caractère (et que le mouvement #meetoo a mis en lumière), il n’est pas rare que les hommes soient aussi concernés par un idéal de masculinité. Fort, grand, intelligent, le modèle du cow-boy ne participe pas à l’émancipation masculine. Et combien d’hommes aujourd’hui se battent pour allonger le congé paternité ?
Une nouvelle génération de papas
Ce fut un long combat silencieux qui vient d’être entendu : le congé paternité va doubler, passant à 28 jours dont 7 obligatoires. Comparée à ses voisins européens, la France était en retard. Et pourtant, seulement 67 % des pères le prennent en 2020.
Spoiler alert : élever un enfant à la maison, c’est dur !
Et le travail peut représenter cette soupape de secours, une porte de sortie de la situation familiale, un endroit calme loin des pleurs et cris d’un enfant. La mère supporte la charge mentale, seule. Et souvent, les crises dans le couple s’en suivent.
Pourtant, si on s’éloigne un peu de l’Hexagone, et qu’on s’invite dans les pays nordiques comme la Norvège, où les pères ont un congé paternité bien plus long, on remarque que les pères s’interrogent d’avantage sur leur rôle de papa.
Combien de blogs fleurissent sur la prairie digitale d’internet ? Il s’agit de sites dans lesquels de jeunes pères de famille s’épenchent sur leur nouvelle vie partagée entre les tâches ménagères et les enfants. Les poussettes colorées et à fleurs ont laissé place ces dernières années à des modèles plus sportifs et plus neutres. Cela veut bien dire que les rôles se mélangent de plus en plus avec une génération qui veut s’investir d’avantage, sans oublier des pays comme le Danemark où la semaine de 32 h a été introduite, permettant aux hommes de passer plus de temps avec leur famille. Cela montre une volonté de repartir la charge sociale entre les sexes, et de favoriser l’égalité, dans un sens comme dans l’autre.
Finalement, tout cela est une histoire de culture. Le jeune père de famille qui prend deux ou trois mois pour passer 100 % de son temps avec ses marmots, attachant nonchalamment ses cheveux longs en chignons, qui se prend à faire un jogging en baggy pour faire rire le petit ou la petite, qui occupe de plus en plus les bacs à sable et sait même gérer la montée à l’envers du toboggan, ce type-là existe. Il a envie d’exister. Il veut qu’on le devine, qu’on le calcule, qu’on lui accorde ce droit de pouvoir être autre chose que l’image de l’homme mâle véhiculée dans toutes les pubs de parfum. Mais est-ce que les structures pour supporter une égalité de la parentalité sont déjà mises en place ? Et est-ce que la société est prête à les intégrer ?
Au delà de la simple image culturelle qui nous parvient, il est important de noter que des bases structurelles forment nos mentalités, car si un homme gagne plus qu’une femme, il sera logique que ce soit lui qui renonce à la vie de famille.
Une autre facon d’éduquer les petits garçons
Il y a les jouets pour les filles, et les jouets pour les garçons. Idem pour le rose et le bleu, bien qu’il y a deux cent ans, le rose était la couleur de la virilité et le bleu celui de la virginité.
Finalement, en tant que parent, nous n’élevons pas une petite fille ou un petit garçon, nous élevons un enfant. Alors comment s’y prendre ?
Mélanger les genres
Saviez-vous que l’on donne plus de surnoms mignons aux petites filles et qu’on appelle plus les petits mecs par leur prénoms ? Saviez-vous que lorsqu’on garçon pleure, il est en colère et que lorsque c’est une fille, elle est triste.
Tous ces millions de détails qui forment les genres en filigrannes ne sont pas conscients. Et ce serait un travail de titan pour les dissocier tous. Mais il est peut être interessant de garder en tête que les émotions de nos enfants n’ont pas de genre.
#UnPouponPourUnGarçon
Pendant une campagne, Elisabeth Roman a lancé le Hashtag #UnPouponPourUnGarçon, qui consistait à inciter les jeunes parents à acheter une poupée pour un petit gars ! Elle explique ainsi :
« Avoir un poupon c’est avoir un plus petit que soi, quelqu’un dont on s’occupe, on est dans le soin, dans le dialogue, explique Elisabeth Roman. Ça apprend la gentillesse, l’empathie et stimule l’imaginaire. Un poupon est aussi un confident rassurant pour accompagner l’enfant quand il grandit et lui permet de canaliser ses émotions. Et puis offrir un poupon, c’est aussi préparer le garçon à devenir un grand frère, un papa, un tonton ou un parrain actif et engagé. Un rôle qu’il aura peut-être à jouer dans sa vie future. »
Clichés inconscients projetés par les parents
C’est dans une vidéo de la télévision suisse de la chaîne RTS que nous découvrons une expérience édifiante sur les clichés que nous transmettons sans nous en rendre compte aux petits garçons particulièrement.
Dans cet extrait, des mères de famille sont complices de l’expérience. Le but est de tester la réaction des pères face aux stéréotypes. La caméra filme.
Le décor est posé. Dans une salle d’attente, des jouets très roses et bleus attendent les enfants. Immédiatement, les pères (sans les mamans) commencent à jouer avec les jeux liés au sexe de l’enfant. Les parents encouragent ou découragent leurs enfants de façon extrêmement subtile (un signe d’approbation quelconque). Puis les pères quittent la pièce pour laisser entrer les mères, qui elles vont devoir orienter leurs petits et petites vers les jouets du sexe opposé. Les petits garçons jouent à la poupée, s’habillent en princesse, tandis que les filles deviennent des policiers.
Maintenant, c’est là que l’inconscient s’applique à prendre son plus beau rôle. Les pères reviennent dans la pièce, et souvent restent en retrait par rapport au choix de l’enfant. S’il n’y a pas d’interdiction directe, il n’y aura pas d’encouragement, ce qui est déjà perçu pour l’enfant comme un découragement. Le papa pourra même une réflexion du genre « ce n’est pas pour toi, viens, joue plutôt avec ça ! ».
Quand on demande aux hommes pourquoi ils ont interagis ainsi, ils s’étonnent eux-même de leur comportement. En fait, ils reproduisent un schéma avec lequel ils ont été élevés, sans s’en rendre compte.
La fin de l’expérience se traduit par quelque chose de vraiment profond et de fort : parfois, il suffit juste de mettre en lumière certains mécanismes inconscients pour prendre du recul et s’ouvrir l’esprit.
Laisser libre cours à l’imagination
Il faudrait réimaginer les codes de nos sociétés, en y apprenant à intégrer des millions de nouveaux modèles masculins, car tout ce qui nous bride, nous enclave, nous enferme dans une identité prédéterminée empêche à ce merveilleux moteur de l’imagination d’exister.
D’ailleurs, le 24 septembre 2019 a été signée une charte par le gouvernement et les industriels pour plus de mixité et de neutralité dans les jouets destinés à la petite enfance. À quelques mois maintenant des fêtes de fin d’année, il est important de laisser votre enfant choisir ses propres jouets, indépendamment du genre ou du politiquement correcte.
Laure Zehnacker
Jeune maman d'un petit bonhomme, je vis en Allemagne depuis maintenant presque dix ans.