À toi mon fils qui un jour peut-être deviendra père
Mum life

À toi mon fils qui un jour peut-être deviendra père

J’y pense tout le temps.

Je sais que je ne devrais pas, que c’est trop tôt, qu’il n’y a pas d’obligation à devenir parent

Tu n’as que deux ans.

Pourtant, en te regardant sourire et danser,

En entendant depuis le couloir ta petite voix s’affirmer et s’affiner,

Sur les photos que je classe dans des albums que je cache dans des armoires trop hautes,

Je m’imagine un jour, te voir à ton tour devenir père.

Tu fais partie d’une génération d’hommes et aussi de femmes

Et c’est là que la vérité se mélange.

En étant une jeune mère, les images de mon enfance défilent devant moi,

En chuchotant, sans vouloir le dire vraiment « papa qui es-tu ? ».

De toutes les figures de cet état bohème et brutal de la vie, le mien était l’homme auquel je cherchais le plus à ressembler, à atteindre.

Il me semblait toujours assez loin pour que je veuille m’y accrocher, comme une étoile qu’on contemple les soirs d’été et qu’on imagine retenir. Ton grand-père était présent. Il m’attendait le samedi à la sortie de l’école, faisait éclater des musiques d’opéra dans le salon de ce petit appartement de banlieue. Il racontait des blagues enfantines que les enfants ne comprenaient pas toujours. Il est celui qui une ou deux fois, s’est assis à ma table pour m’apprendre les glaciers.

Mais comme perché sur cette étoile, les yeux dans le vague, il y avait entre nous une distance. Il m’aimait bien tu sais. Mais savait-il seulement tout ce qu’il représentait ? Je sais ce que tu dirais. C’est l’amour œdipien. Et là je te corrige. Non mon grand, je n’ai jamais aimé mon père de cet amour-là. Nos âmes étaient si similaires qu’elles n’auraient pu avoir de cette sensibilité.

Il représentait pour moi, l’homme en parallèle, celui qui le jour où je lui ai lâché la main n’a pas su la maintenir. Parce qu’il voulait me respecter, me laisser libre.

Parfois, je lui en ai voulu. Aujourd’hui, en te scrutant du coin de l’œil, tes mimiques me ramènent inexorablement vers ses rires et ses paupières qui se plissent. J’étais si fière de porter ses yeux noirs, de ceux de notre famille, comme une marque indélébile que le temps ne cherche même pas à contredire. Tes pupilles à toi sont bleus comme le ciel de mes pensées.

Alors, c’est sans surprise que je me demande qui tu seras le jour où, peut-être, si tu le décides, de devenir à ton tour le père de quelqu’un et de retrouver en ses traits, les marques qui nous ont appartenu avant toi.

Ce n’est pas un héritage que tu portes, c’est plus que cela, sans savoir le décrire.

Et je me demande si ce sont des choses dont nous parlerons sous un grand-chêne, comme il m’est arrivé de le faire avec ma mère, pour l’instant où peut-être tu veilleras à ton tour sur un petit être.

Jeune maman d'un petit bonhomme, je vis en Allemagne depuis maintenant presque dix ans.

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